Prédications Protestantes dans les Alpes du sud
Dimanche 17 septembre 2006
Culte à Lourmarin (84)

Lectures du Jour :
- Esaïe 50, v.4 à 10 (voir également sous cette référence, méditation du 29 Mars 2015)
- Marc 8, v.27 à 35
- Jacques 2, v.14 à 26
Et vous, qui dites-vous que je suis ?
Allez donc dans ce texte rapporté par Marc…chercher la Bonne Nouvelle…Ah ! Les listes œcuméniques sont parfois troublantes ! J’aurais préféré ce matin un sympathique récit de guérison ; une petite multiplication des pains ; et même une petite discussion avec les pharisiens…
Mais là !!! Une dispute entre Jésus et Pierre ; une annonce de crucifixion, et cette frémissante exhortation : « si quelqu’un veut venir à ma suite, qu’il se renie lui-même et prenne sa croix »…. Comme le disait la pub de la Poste : « pour une bonne nouvelle…. c’est une ….bonne nouvelle ? ».
Et effectivement, ce texte contient une bonne nouvelle que nous allons partager ce matin.
Dans un premier temps, nous naviguerons dans le texte pour mettre en lumière les idées centrales.
Puis nous nous arrêterons devant cette interrogation de Jésus : « qui dites-vous que je suis ? ».
Enfin, nous verrons en quoi nous sommes exhortés….à porter notre croix.
Le texte.
Avec ces versets, nous entrons dans un cadre beaucoup plus intime que précédemment. L’enseignement, la proximité avec les disciples vont apparaître comme nécessaires et urgents.
Après avoir nourri dans ce même chapitre 8 une foule de 4000 personnes, et refusé un signe du ciel aux pharisiens, Jésus va éprouver le besoin, la nécessité de l’isolement, en allant sur l’autre rive.
Et il aura bien du mal à être quelques temps juste avec ses disciples…
C’est en territoire principalement peuplé de païens que Jésus va pouvoir …souffler un peu…enfin, pas vraiment !
Tout en marchant, Jésus va faire un large sondage d’opinion ; l’air de rien, il demande à ses disciples qui il est selon la populace… Question bien générale.
Ce qu’on peut dire, c’est que les suppositions vont bon train ; certains disent : « Elie », d’autres Jean-Baptiste et d’autres encore l’un des prophètes… ».
Ce qui est certain, c’est qu’il ne passe pas inaperçu !! On comprend alors que la venue de Jean le baptiseur n’est pas passée inaperçue non plus, et que la croyance en le retour possible des anciens prophètes était réelle.
Cette possible identité de Jésus sera totalement effacée dans le récit qui suivra, celui de la transfiguration, où Jésus sera avec Moïse et Elie…
Bien…après ce large sondage, vient la question » qui tue » ! Plus exactement, la question toute personnelle : « Et VOUS…qui dites-vous que je suis ? ».
Au fonds, que la population ait différentes opinions sur son statut, ce n’est pas bien grave ; ces opinions pourront changer au fil du temps… Mais pour ceux qui, très bientôt vont prendre son relais, il ne s’agit pas de se louper !
Seule la réponse de Pierre nous est rapportée : « Tu es le Christ ». Apparemment, bonne pioche, puisque Jésus va leur recommander de se taire, du moins pour l’instant.
C’est alors que Jésus fait là la première annonce de sa passion et de sa résurrection. On sent que le temps presse. Il n’y a plus de temps à perdre, et les disciples ont maintenant intérêt à être…comment dire…opérationnels. Pierre va réagir affectivement ; Jésus va le remettre non plus dans le domaine de l’affect, mais le situer dans sa fonction missionnaire.
Cette fonction missionnaire, elle va être celle-ci : « si quelqu’un veut venir à ma suite, qu’il se renie lui-même et prenne sa croix, et qu’il me suive. En effet, qui veut sauver sa vie, la perdra ; mais qui perdra sa vie à cause de moi et de l’Evangile, la sauvera ».
Bon…pour les disciples…d’accord. Et encore, on se souvient du pas très courageux Pierre reniant Jésus trois fois…alors…
Jésus n’aurait-il pas eu vis-à-vis de l’homme de trop hautes exigences ?
J’en viens alors au second point annoncé : « Et vous, qui dites-vous que je suis? ».
Et vous ? Qui dites-vous qu’il est ?.... ouh ouh ! Je vous parle !!!!
La voilà, la question première qui nous est posée ce matin : D’abord, effectivement en communauté, qui dit-on qu’il est ?...
Mais surtout, surtout, cette question s’adresse à chacun d’entre nous…
Qui dit-on soi-même qu’il est ? On est souvent loin d’une unanimité …
Les perceptions de Jésus sont souvent variées ; on peut alors entendre qu’Il a été un grand pacifiste ; qu’Il était un grand prophète, mais quand même pas Dieu lui-même ; cette histoire d’incarnation en gêne certains ; ce récit de résurrection en embête d’autres …
Avant toutes choses, c’est la question que Jésus nous pose ce matin : qui dites-vous que je suis ? je suis qui, pour vous ? et donc, je suis quoi ? je représente quoi ? Un personnage du passé ? un prophète d’il y a deux mille ans ? Quelqu’un qui a fait du bien autour de lui ?
Pourquoi cette question est-elle primordiale ?
Parce que de sa réponse dépend notre audace, notre petit grain de folie, notre façon d’envisager notre vie, notre monde, notre vie dans ce monde…
S’il est le fils de Dieu, Dieu lui-même incarné dans un nourrisson, alors, clairement, au jour d’aujourd’hui, sa promesse « je suis avec vous tous les jours jusqu’à la fin du monde « est valable.
S’il est un prophète, même grand, il est un temps déterminé dans l’Histoire, et moi je me débrouille un peu seul dans ma petite vie de tous les jours…avec ses belles paroles…
Avant toutes choses, avant de tenter de comprendre les paroles qui nous exhortent à porter sa croix, il nous faut être clair sur notre confession de foi personnelle. Ce qui n’interdit pas les doutes et autres questionnements, bien évidemment ; mais conditionne notre manière d’envisager la vie : si Dieu a pris la peine de s’incarner ; s’Il s’est abaissé jusqu’à prendre notre propre peau ; s’Il a vécu, en tant que Dieu, la croix elle-même, ma perception de Dieu ne sera pas la même que si Dieu s’est choisi un gars sur terre pour aller, à la suite des autres prophètes, annoncer de belles choses…
Alors, une fois que nous sommes vraiment en marche pour chercher qui Il est pour nous, nous pouvons réfléchir à notre façon de suivre Jésus.
« Qu’il prenne sa croix ».
Dans notre Histoire, que d’exemples de personnes ayant pris leur croix, jusqu’au bout…Que de martyrs depuis 2000 ans…La liste est longue. De ces premiers chrétiens persécutés ; de ces catacombes à Rome ; de ces Pierre et Marie Durand ; de ce disant, en cellule : « ils m’ont tout pris, sauf mon baptême » ; de ce Martin Luther King, figure emblématique de la résistance à un système inique de castes, arraché au confort de vie de famille dans une paroisse accueillante… De ces familles qui, pendant la guerre, ont, au nom de leur foi au Christ, caché, au péril de leur vie, des enfants juifs…
Je pense aussi à ces pays où encore aujourd’hui, être chrétien peut conduire à la mort….
Nous, nous ne sommes absolument plus dans tous ces cas de figure, fort heureusement.
Mais alors, porter sa croix, perdre sa vie à cause de Jésus et de l’Evangile, a-t-il encore un sens pour nous ?
Deux pistes
Deux pistes me paraissent intéressantes et très complémentaires :
La première est l’annonce de Jésus : c’est en paroisse et dans sa vie personnelle que nous devons nous poser la question.
Dans notre société qui n’en a pas grand-chose à faire de Dieu, comment, moi, est-ce que j’annonce la Bonne Nouvelle ? Ah ! la fameuse phrase du libre-choix, qu’est-ce qu’elle nous donne bonne conscience ?
Quand, pour la dernière fois, avons-nous dit à quelqu’un ce que le Dieu de Jésus-Christ a changé dans notre vie ? (mais s’il n’a rien changé, se conférer au second point : «qui dites-vous que je suis ? »). Quand avons-nous osé offrir une Bible à nos petits-enfants, ou à notre voisin ? (non, ce n’est pas réservé aux seuls témoins de Jéhovah !!)
En paroisse, avons-nous fait passer dans les journaux quotidiens nos activités de catéchèse pour tous ? et nos études de la Bible, osons-nous en diffuser largement dates et contenus ?
« car si quelqu’un a honte de moi et de mes paroles au milieu de cette génération adultère et pécheresse, le fils de l’homme aura aussi honte de lui ».
Je suis d’accord avec vous, il faut se faire sacrément violence pour aller vers les autres, avec une Bible, avec une proposition d’accompagnement au culte, pour voir…
N’est-ce pas…porter sa croix que de se faire ainsi violence ?!!!
Enfin la deuxième piste : je crois que porter sa croix, aujourd’hui, c’est aussi espérer quand tout nous porte à désespérer.
Aujourd’hui, on entend un discours ambiant tellement morose….On a tous des envie de démission ; le contexte est dur….on a envie, comme les autres, de se désinvestir… Alors, comme on ne voit rien venir, on se désinvestit. De la paroisse ; de la vie de la cité ; de son rôle de grands-parents ; de l’engagement associatif… De toute façon, ça ne change rien…
Porter sa croix d’une certaine manière, c’est œuvrer dans un monde de ténèbres. Perdre sa vie aujourd’hui, c’est croire dans le noir.
Perdre sa vie aujourd’hui, c’est oser aller à contre-courant, sans plus jamais se dire : « oh, ce que je pourrais faire, c’est une tellement petite goutte d’eau dans cet océan de malheur.
Porter sa croix, c’est arrêter de se prendre pour le nombril du monde que nos magazines veulent nous faire croire : se décentrer de son petit égo, relever ses manches, et croire que Dieu aime ce monde, et nous veut acteurs, acteurs actifs.
Porter sa croix, c’est annoncer le Dieu de la réconciliation dans ce monde qui tend plutôt vers un monde sans Dieu qui se déchire.
Porter sa croix, c’est, oui, se faire violence pour s’engager, pour les autres, en faveur du bien-être de l’homme, image de Dieu.
Ainsi, en ce début d’année scolaire, de rentrée, de reprise, ce texte nous invite tout d’abord à nous poser et à nous demander : « qui dis-je qu’il est ? »
Ensuite, noter croix, notre violence, notre scandale sera de devenir de vrais témoins de Celui que nous aurons reconnu, autour de nous, avec notre paroisse pour une plus grande ouverture, une plus grande visibilité. Enfin, notre croix, notre violence sera de nous mettre en marche, chacun, chacune, avec nos capacités, nos dons, nos talents, pour un monde plus juste, meilleur ; même si nous avons l’impression que les ténèbres sont gagnantes.
Car n’oublions pas : celui que nous sommes invités à identifier comme le Christ, le fils de dieu, c’est bien celui-là même qui a vaincu les ténèbres et est ressuscité.
AMEN !!
Pr Nathalie Paquereau.