Prédications Protestantes dans les Alpes du sud 

Dimanche 27 Septembre 2009

Culte à MANOSQUE (04100)

Lectures du Jour :

Nombres 11, 25-29 (voir également sous cette référence, méditation du 30 Septembre 2018)

Marc 9, 38-48

Jacques 5, 1-6

Mais où est donc l’Eglise invisible ?

C’est vrai quoi ! Ils ont raison ces disciples ; si on commence à laisser faire, ça va devenir du n’importe quoi !! Tiens, les pentecôtistes-là, et leurs soi-disant guérisons ; et les catholiques, avec leur retour à la messe en latin ; et les charismatiques-là, avec leurs parlers en langues ; et …Bref, tous ceux qui ne nous suivent pas, ça ne va pas du tout !!!

Les disciples, avouons-le, accumulent un certain nombre de bévues dans notre chapitre 9. Le pouvoir, ça les démange !!!

Depuis la parole de Pierre déclarant à Jésus «Tu es le Christ », ces disciples ont accumulé les bêtises et les incompréhensions.

Tout se passe comme s'ils avaient les oreilles fermées au cri de la souffrance humaine et des lèvres incapables de dire une Parole qui guérisse.

Quelque part, derrière les mots justes d'une belle confession de foi, on perçoit leur impuissance à la traduire dans des actes concrets. Leur incapacité à changer de vie, à modifier leurs relations entre eux, avec les autres et avec Dieu.

Ainsi, alors même qu'ils ont été incapables de libérer un enfant possédé de la maladie qui le tourmentait, les voilà, quelques jours plus tard, qui poussent l'outrecuidance jusqu'à vouloir «empêcher un homme qui guérit au nom du Christ » - c'est-à-dire qui se montre capable là où eux ont raté, ils l’empêchent simplement parce qu'il ne fait pas partie des leurs.

C'est déjà l'Eglise officielle incapable de reconnaître le Christ à l'oeuvre en dehors d'elle. Hors de l’Eglise, point de salut voyons !!!

L’Eglise dès le début préoccupée de préciser ses frontières et ses privilèges. Eglise qui intercepte la Parole, qui s’entraîne par avance à l’Inquisition, et ne veut pas recevoir cette Parole de l’autre différent.

Eglises qui aujourd'hui se raidissent face aux mises en question d’autres styles qu’elles. Eglises qui se crispent sur des identités qu'elles cherchent à défendre fébrilement, ou bien à restaurer.

Au sujet de cet homme qu'ils veulent écarter, Jésus dit à ses disciples : «Ne l'empêchez pas, car il n'y a personne qui fasse un miracle en mon nom et puisse, aussitôt après, mal parler de moi. Celui qui n'est pas contre nous est pour nous » (9/39-40).

Je crois que par ces mots de mise en garde, Jésus montre que la force de l'Evangile échappe à toutes nos velléités d’ordre ecclésial. Aucune Eglise n'en a le monopole, aucune n'est propriétaire du Christ. 

Mais les disciples se sont approprié l’Eglise : ils ont cru pouvoir faire face seuls, par leurs propres forces.

C’est une tentation généreuse mais aussi culpabilisante de faire dire à quelqu’un que son identité réside dans ses actions.

« Vous êtes ce que vous faites. ». Voilà déjà le monde actuel, qui n’a rien inventé.

La tentation est dangereuse car elle incite à l’autonomie, à la sensation de sécurité. Croire que l’on peut indéfiniment faire face par soi-même, avec ses seules capacités, sa seule sagesse, sa seule rationalité, avec ses propres dispositifs de sécurité, c’est prendre le risque d’affronter les puissances du monde sans la préparation nécessaire.

Mais Jésus leur enseigne : « Vous faites ce que vous êtes. »

Et ce que vous êtes, dit Jésus, c’est moi qui vous le donne : « Ce genre de démon », avait répondu Jésus, « rien d’autre ne peut le faire sortir que la prière ».

C’est dans notre relation personnelle à Dieu que réside l’enracinement de notre liberté chrétienne. Et la force de notre action.

C’est une illusion douloureuse et dangereuse de croire que nous pouvons faire seuls, ce que seul le Christ peut faire en nous et par nous.

Et les disciples sont surpris car ils viennent de discuter en chemin pour savoir qui est le plus grand. Puis ils en viennent à excommunier un homme en plein exercice de son ministère.

« Nous l’avons empêché parce qu’il ne nous suivait pas. »

Les disciples ne supportent pas que d’autres fassent mieux qu’eux.

Pourtant, L'Eglise est un événement qui peut surgir hors des institutions, là où nous ne l'attendons pas. Sur les marges des Eglises que nous connaissons, quelquefois en dehors d'elles, bien des hommes et des femmes sont en communion secrète mais vivante avec le Christ, à l'écoute de sa Parole.

c’est bien une libération qui a eu lieu, un Evangile qui passe en force dans une vie habitée jusque-là par une inspiration impure.

Les disciples sont comme les Pharisiens face à l’homme qui avait une main dite « sèche », ils ne voient pas un homme malade, ils ne voient que la violation d’un principe juridique, celui du sabbat, ils voient aussi une occasion de tendre un piège.

Ce récit nous enseigne sur l’Eglise : Première caractéristique de l’Eglise : Jésus n'appelle pas ses disciples pour constituer un groupe fermé sur lui- même, en dialogue intime avec lui. Il les invite à se mettre en route au service de l'Evangile, par leur parole, leur action, leur prière. L’Eglise est un événement surgi de la Parole prêchée.

Elle ne se définit pas par ceux qui en font partie, par ses limites et ses frontières, mais par l'écoute et la réception de la Parole de Dieu, par cet événement que nulle Eglise, nulle théologie ne saurait fixer, ni contrôler, ni vérifier et qui peut retentir en dehors des institutions ecclésiales. l'Eglise dépasse les communautés repérables et que tous les chrétiens ne sont pas dans les Eglises visiblement organisées.

Pour preuve, l’exorciste représente cet événement ecclésial inattendu dont les disciples ne savent que faire.

Il ne les suit pas. Il persiste à n’être qu’un chrétien-météorite, un électron libre.

Il croit avec les moyens du bord, et surtout porte du fruit. Il voit la souffrance de l’homme possédé.

L’Eglise est autre chose que ce que nous en savons et voyons. l'Eglise véritable est invisible ; ainsi Calvin écrit : «Vrai est que ce privilège appartient à lui (Jésus) seul , de connaître qui sont les siens... ses jugements secrets surmontent notre sens.».

Et donc l'important, est de savoir où se tient le Christ, et si oui ou non, je marche dans ses pas. L’Eglise est mise en oeuvres par un événement qui est bien au-delà d’elle. Il y a indication d’Eglise là où le Christ fait oeuvre libératrice et créatrice. L’Eglise est au service d'une Parole qui n'est pas en son pouvoir, qui à la fois la crée puis la dépasse à profusion. 

Ce qui donc est décisif, ce n'est pas d'appartenir à une institution ecclésiale, mais d'appartenir au Christ et d'être par nos vies personnelles renouvelées, les témoins d’un Dieu qui pardonne, qui fait la paix, et qui redonne un avenir, une identité neuve…

Jésus regarde aux fruits d’une existence, à son rayonnement.

Acceptons à notre tour d’entrer, comme Jésus, dans ce mystère du Royaume à l’œuvre invisiblement. Acceptons que de grandes choses se passent dans d’autres Eglises que la nôtre; dans d’autres confessions que la nôtre.

Jésus ne laisse pas ses disciples à leurs considérations de personnes et d’appartenance. Il les unit à tous ceux qui se réclament de Lui. Et les enseigne.

L’Eglise est donc le lieu de l’écoute : Jésus est obligé, à plusieurs reprises, de reprendre ses disciples à l'écart pour les replacer devant sa Parole et devant leur mission.

A travers ces disciples fragiles, qui vérifient et qui tergiversent, qui s'efforcent d'aider l'autre mais que Jésus est obligé de soutenir, l'Eglise apparaît comme un «attroupement des vulnérables », où chacun est parfois celui qui écoute et encourage les autres, et parfois celui dont la faiblesse appelle à l'aide.

L'Eglise, ville de refuge où l'on reprend souffle, où l'on lutte contre l’individualisme en se rassemblant autour de la Bible, lieu où l'on s'annonce mutuellement une bonne nouvelle joyeuse, qui fait rayonner, avant d'aller ailleurs, en route avec le Christ. Lieu du pardon qui appelle à des dons surprenants.

Lieu où chacun se sent reconnu sans avoir à se justifier de ce qu’il a été, de ce qu'il est, ou de ce qu'il n'est pas, puisqu’il qu'il participe d’une même grâce et qu'il doit être accueilli comme tel.

Cela est particulièrement important aujourd'hui où tant d'hommes et de femmes ont perdu confiance en eux- mêmes, et souffrent d'un manque d'écoute, de relation.

Alors, dans ce lieu d’un instant qu’est l’Eglise, qui est le plus grand ?! le pasteur qui se doit d’être un peu le « tout-puissant » ? Le président du Conseil presbytéral ? Le conseil presbytéral ?

Nous sommes tous témoins de la grâce. Qui fait toutes choses nouvelles en Jésus-Christ. Il n’y a pas de demi-pardon pour demi-engagé. Mais une plénitude offerte à tous, qui a provoqué chez cet homme un engagement qui va jusqu’à guérir, restaurer. Le charisme de son ministère aurait dû forcer le respect des disciples, malgré ses faiblesses qui rejoignent les leurs.

Comment vivre ce texte, au-delà d’une simple réflexion qui risque de n’engager à rien ou si peu ?

Notre responsabilité de laïcs est de témoigner, et de quoi donc, si ce n’est de ce que « Tout ce que vous délierez sur la terre sera délié dans le ciel » ?

Sommes-nous des disciples qui lient ou qui délient, qui remarquent l’engagement d’autrui, ou bien passent à côté ?

Ne mesure-t-on pas la valeur d’un arbre à ses fruits ?

Il n’y a pas de disciple parfait, chacun apporte ses forces et ses faiblesses.

Et chacun est concerné par son propre péché, portant en soi ses manquements, et ses infidélités. Et c’est pour cela qu’il y a eu dès l’origine de l’Eglise plusieurs disciples, pour que chacun pallie aux faiblesses des autres, et que d’autres pallient aux leurs propres, tout en mettant en commun les richesses de chacun.

L’Eglise que Marc décrit ici se construit avec une force qui s’accomplit visiblement dans la faiblesse.

Faiblesse des disciples incapables de reconnaître le ministère de leur semblable, Désir des disciples de défendre non pas tant le nom de Jésus qu’un monopole sur lui.

Faiblesse aussi d’un disciple « débutant », qui porte du fruit là même où d’autres labellisés ont échoué, même s’il ne réalise sans doute pas pleinement de qui il parle en invoquant le nom du Christ.

Nous sommes fragiles ; chacun, et tous ensemble ; L'Eglise même fragile est appelée à partager la Parole reçue, c'est-à-dire annoncer à ceux qui cherchent et qui désespèrent qu'il y a, à la suite du Christ, des repères pour vivre, des chemins pour aimer et être aimés.

Nous pouvons partager et proposer clairement des convictions fermes et ouvertes à la fois, c'est-à-dire des paroles qui consolent, qui guérissent, qui aident à trouver du sens, qui fassent vivre.

L’Eglise a donc pour vocation le service de son prochain : poser des signes et accomplir des actes.

La proclamation par Jésus de la Bonne Nouvelle est inséparable de sa mise en œuvre par toute sa vie. La parole guérit, les guérisons parlent.

L’Eglise est une communauté de guérison et d’espérance. Et c’est ce que nous sommes appelés à vivre tous ensemble. Vraiment, quelle belle mission !

Amen !

Nathalie Paquereau.