Prédications Protestantes dans les Alpes du sud 

Dimanche 07 JANVIER 2018

Culte à Trescléoux (05700)

Lectures du Jour :

Ésaïe 60,1-6 (voir également sous cette référence méditations du 06 Janvier 2013 et du 08 Janvier 2017)

Éphésiens 3, 1-6 (voir également sous cette référence, méditation du 05 Janvier 2020)

MATTHIEU 2, 1-12

« Les Mages et l’Épiphanie»

  1. L’Épiphanie
« Jésus étant né à Bethléem de Judée, au temps du roi Hérode ». C’est toute la description de la naissance de Jésus que Matthieu fait dans son évangile. Marc et Jean en font encore moins puisqu’ils n’en parlent pas. Luc par contre en fait un compte rendu détaillé, celui que nous connaissons tous : Jésus couché dans la mangeoire, les bergers, le bœuf et l’âne….
Matthieu s’étend ensuite sur un épisode qu’il est le seul à rapporter, la visite des Mages qui coïncide avec l’Epiphanie.
L’Epiphanie, c’est un nom qui vient d’un mot grec qui signifie « manifestation », « apparition dans la lumière ». Apparition de qui ? De Jésus bien sûr, mais une apparition qui ne coïncide pas tout à fait avec le moment de sa naissance. Car c’est un peu plus tard, que Jésus se manifeste comme étant véritablement le messie annoncé, le Fils de Dieu. L’Épiphanie, c’est la fête de Jésus en tant qu’il est la manifestation de Dieu, la lumière de Dieu. C’est ce que l’on fête déjà aujourd’hui à Noël, mais par anticipation.
Pendant plus de 200 ans, l’Épiphanie a constitué la seule fête concernant la naissance de Jésus. Noël n’existait pas. Ce n’est qu’au milieu du 4e siècle que l’Eglise s’est mise à célébrer la fête de Noël, la naissance de Jésus le 25 décembre. On s’est alors retrouvé avec deux fêtes autour de Jésus enfant : Noël (naissance), puis l’Épiphanie (apparition), mais la seconde est plus ancienne que la première
.

On devrait ainsi, dans la chrétienté, célébrer la révélation de Jésus aux humains en deux parties,

25 décembre : fête de Noël = naissance d’un petit enfant. Dieu est encore caché à l’humanité (sauf aux bergers).

6 janvier : fête de l’Épiphanie = Première identification de Jésus avec Dieu. La venue des mages montre à la fois la proximité de Jésus avec Dieu, et la volonté de Dieu de se révéler publiquement à tous.

Mais dans la plupart des églises les deux célébrations sont groupées en une seule fête, Noël pour nous, l’Epiphanie pour les Eglises orientales.

Revenons à notre texte biblique. Pour comprendre le sens de la visite des mages, il nous faut faire un effort mental de déprogrammation, une sorte de cure de désintoxication. Nous avons en effet été tellement habitués à voir ces mages à la fois comme des rois et comme des personnages autour de la crèche, le jour de Noël, qu’on a du mal à les imaginer différemment, dans d’autres lieux et en d’autres circonstances.

2.Ce que le texte biblique ne dit pas

Comprenons donc bien que le texte biblique de la rencontre des mages avec l’enfant n’est pas le récit de Noël.

Et pour bien voir ce que dit ce récit, je vais l’exprimer sous une forme négative : Il y a quatre affirmations qu’il ne nous fait pas, alors que nous sommes habitués à les entendre dans ces circonstances.

1) Les mages qui rendent visite à l’enfant Jésus ne sont pas des rois. Ce n’est qu’assez tardivement, autour de l’an 1000, que l’on s’est mis à représenter ces mages comme des rois et qu’on leur a donné des noms : Gaspar, Melchior et Balthazar. Ces mages sont des personnes venues de très loin, de l’Orient, nous dit-on ; vraisemblablement des savants; des astrologues ; des astronomes, des personnes proches du pouvoir dans leur pays.

2) Ces mages ne sont pas présents auprès de Jésus le jour de sa naissance. Ils viennent après : v. 1 : « Jésus étant né à Bethléem (…) voici que des mages venus d’Orient arrivèrent à Jérusalem ». Ils ont appris sa naissance par l’apparition de «son astre qu’ils ont vu à l’Orient ». Jésus est déjà né quand les mages arrivent, non pas sur le lieu de la naissance mais dans la capitale du pays pour s’informer précisément du lieu de la naissance. Quand arrivent-ils exactement auprès de Jésus ? On ne le sait pas. Sans doute quelques jours ou semaines après sa naissance. De fait, le texte ne mentionne aucun élément classique de Noël : pas de crèche, pas d’étable, pas d’animaux, pas de Joseph, pas de berger ni de moutons, pas de nuit étoilée. Du reste, pour voir l’enfant, ils ne rentrent pas dans une étable, mais dans « une maison » (v. 11)

3) Ces mages sans nom ne sont pas forcément trois. Ils peuvent être deux, comme 10, 12 ou plus. Le texte nous dit simplement qu’ils ont apporté trois types de cadeaux : or, myrrhe, encens ; mais le texte ne nous dit pas qu’à chaque type de cadeau correspond une personne différente.

4) Le texte ne nous parle pas d’une étoile, mais d’un astre. Il en parle même abondamment : 5 fois en fait. C’est un élément qui joue un rôle très important, on le verra. Cet astre peut certes être une étoile, mais aussi une comète ou encore une conjonction d'étoiles.

Avant de percer le mystère de ce texte, d’en explorer le ou les sens, il faut le relire vraiment, et donc oublier ce qu’on croit qu’il nous dit mais qu’il ne nous dit pas en réalité.

  1. Trois messages pour aujourd’hui :

  • Le message spirituel

Ce texte nous apporte d’abord un message spirituel dont le sens est très proche de celui de Noël : Il célèbre « l’incarnation » de Dieu en Jésus. Sa manifestation dans la figure d’un enfant, le fils de Marie (et de Joseph). Dieu, si grand, a choisi de se faire tout petit. Non seulement devenir un être humain, mais un être humain fragile, qui ne peut pas vivre sans la protection des autres humains. Nous assistons à un renversement total de l’idée de Dieu : ce n’est plus nous qui avons besoin de Dieu, mais Dieu qui a besoin de nous. Autre manière de formuler : Dieu, invisible, a choisi de devenir visible aux humains. Non seulement de parler comme eux mais d’être comme eux. Pourquoi ? C’est un acte d’amour de la part de Dieu. Il veut montrer sa proximité avec les humains. Et même non seulement être proche d’eux, mais être comme eux.

Les mages, en tous cas, ont bien compris le sens de cette manifestation de Dieu en Jésus : v. 10 : « Ils éprouvèrent une très grande joie ». Et cette nouvelle est la « bonne nouvelle » : l’Evangile au plein sens du mot.

  • Le message politique

Ce message spirituel (ou religieux) se double d’un message politique que l’on pourrait formuler ainsi : Que ceux qui gouvernent le monde avec violence, goût du pouvoir et amour du luxe fassent attention: leur existence est menacée, non seulement par la présence de Dieu dans cet enfant qui vient de naître, mais aussi (et peut-être surtout) par le fait que des savants, des gens importants, des gens de savoir, et donc de pouvoir se prosternent devant lui, et non plus devant le souverain.

Ce message politique est double ; il a en fait deux destinataires différents

- Hérode : la naissance de Jésus reconnu par les mages menace (insécurise) Hérode, roi des Juifs. Hérode : gouverneur corrompu et violent, prêt à tout pour se maintenir au pouvoir. Jésus enfant constitue un avertissement à Hérode : désormais, il ne pourra plus agir impunément

- L’empereur romain : la naissance de Jésus est aussi un message à l’intention de l’Empereur romain . Ce n’est pas simplement le pouvoir juif, mais le pouvoir tout court: ce qui montre clairement cela, c’est le rôle de l’astre. Dans l’art romain antique, un astre posé au dessus d’un Empereur signifiait sa divinisation. Ici, l’astre n’est plus posé au dessus de l’empereur, mais au dessus d’un enfant juif. L’être divin, celui qui est choisi par Dieu n’est plus la personnalité politique et militaire la plus puissante de l’époque, mais un simple enfant du peuple, de la même condition que les autres enfants, issu d’une famille ordinaire.

En résumé, ceux qui nous gouvernent sont des hommes et non des dieux ou des demi dieux ; ceux qui nous gouvernent doivent eux aussi obéir à une autorité supérieure, qui les domine, les contrôle et au besoin les conteste : celle de Dieu présent en cet enfant.

Ce message a d’ailleurs été parfaitement compris par Hérode, qui ne veut pas de cette naissance qui constitue un signe messianique de libération pour le peuple juif, mais qui est en revanche un signe négatif pour lui.

  • Le message missionnaire/géographique

Ce texte nous apporte enfin un troisième message, lié à la venue des mages :

Les mages sont venus et, ce qui compte, pour ce troisième message, c’est le fait que les mages viennent d’ailleurs, de loin, et même de très loin. « D’Orient », nous dit le texte, c’est à dire de l’autre côté du désert. De fait, on s’est plu à des représentations exotiques de mages :plus tard, du temps de la Renaissance (précisément à l’époque où on découvrira de nouveaux continents), ils symboliseront l'Europe, l'Asie, et l'Afrique : un des mages est alors représenté en roi noir.

Les mages sont donc des étrangers, des non-juifs ; ne font pas partie du peuple juif, et pourtant, ils accueillent l’enfant comme le Messie annoncé par les prophètes.

Il y a là un écart, une transgression, par rapport à la spiritualité juive du temps de Jésus : seuls les juifs attendaient un Messie qui libérerait Israël. La présence des mages signifie que le messie est là pour tous. On passe du particularisme à l’universalisme : Une même foi pour Israël et pour ceux qui viennent de loin, d’une autre culture, d’autres traditions ou même d’autres religions.

On est ici au début de ce qu’on appellera l’universalisme chrétien. C’est lui que Matthieu a vraisemblablement voulu annoncer en imaginant cette visite des mages. Il sera développé plus tard par Paul et raconté dans les Actes des Apôtres : le message et la personne de Jésus s’adressent à tous les humains sans exception. Plus personne ne doit rester en dehors de ce message de salut et de libération pour tous.

On a ici, avec la vénération des mages qui se prosternent devant l’enfant, une anticipation de cette idée : tout être humain, quels que soient sa condition, ses origines, sa langue, son lieu d’habitation, est invité à reconnaître dans cet enfant le Messie de Dieu. Il est le sauveur annoncé par les prophètes d’Israël, la manifestation de Dieu aux hommes. Son geste d’amour est unique, non répétable mais c’est un geste qui ne s’efface ni ne s’oublie. C’est pourquoi on en en parle encore aujourd’hui, en l’an 2018 !

Amen !

Jean Jacques Veillet