Prédications Protestantes dans les Alpes du sud
Dimanche 25 Septembre 2011
Trescléoux (05700)
Lectures du Jour :
Ézéchiel 18, 25-32 (voir sous cette référence, méditations du
Matthieu 21, 28-32 (voir sous cette référence, méditations du 24/09/2013 et du 01/10/2017)
PHILIPPIENS 2, 1-11
L’Hymne aux Philippiens
Frères et sœurs, ce matin, entre cette petite parabole des 2 fils et ce texte de Philippiens 2, le choix est vite fait, car ce texte est l’un des textes fondateurs des Eglises chrétiennes primitives puis de la Réforme.
L’Eglise de Philippes
Mais il faut tout d’abord parler de cette communauté de Philippes, en Macédoine, au bord de la mer Egée. (La ville est aujourd’hui abandonnée au profit de son port Kavala).
Pour son 2° voyage Paul rejoint donc Philippes. Son séjour est décrit dans Actes 16. Là il rencontre quelques coreligionnaires juifs et leur prêche l'évangile. Lydie, la première, embrasse la foi ce qui fait d'elle la première chrétienne d'Europe.
Puis il quitte Philippes pour poursuivre son voyage, qui le conduira, comme souvent, en prison. Nous sommes environ 20 ans après la mort et la résurrection du Christ.
Après son départ, cette Eglise connaîtra des problèmes d’orientation, à double titre :
1. Tout d’abord des missionnaires chrétiens d’origine juive circulent, prônant l'observance des prescriptions de la Loi de Moïse, notamment la circoncision. Paul ne cède pas sur la mission qui lui a été donnée par le Christ lui-même : « Il n’y a plus ni juif ni grec, ni maître, ni esclave » : C’est le message universaliste que Paul réitère.
2. Ensuite, après le départ de Paul et Timothée, une compétition s'était déclarée pour savoir qui, des diacres et des « anciens », allaient prendre la tête de cette Eglise.
De plus, Paul étant en prison la probabilité de le revoir était jugée très faible. Mais Paul va leur rappeler qu'il n'est pas encore mort, loin s'en faut. Au contraire, il explique aux Philippiens combien sa captivité est bénéfique à l'annonce de l'évangile : non seulement les gens du tribunal (des romains païens) ont été amenés à entendre la bonne nouvelle de Jésus-Christ, mais de nombreux membres de la communauté s'en sont trouvés fortifiés dans leur annonce de l'évangile. (Paul jouait à plein de sa citoyenneté Romaine)
L’Hymne aux Philippiens
Paul s'adresse alors à ces notables Philippiens qui pensent probablement pouvoir se faire un nom en utilisant celui de Jésus-Christ. Et Paul utilise un hymne chanté pendant les offices, qu'il retourne contre ceux qui le chantent, comme pour leur dire : (un peu comme Ezéchiel) :
Ouvrez les yeux, lisez ce que vous chantez et examinez-vous au regard de ce texte, qui, maintenant qu’il est écrit, va s’imposer à vous, et vous verrez que vous vous comportez exactement à l'inverse de Celui que vous devez annoncer »
Alors, que dit-il ce texte, cet hymne ?
Eh bien, avec cet Hymne écrit sur un feuillet, se dessine clairement une nouvelle théologie, centrée sur Jésus-Christ.
C’est un évènement pour ces nouveaux chrétiens, sans aucune référence, les juifs convertis continuant de suivre les prescriptions des textes de l’ancien testament, de pratiquer les rites et traditions, interdits alimentaires, prenant leurs repas séparés d’avec les païens convertis, sans s’apercevoir qu’elles sont devenues complètement caduques.
Les païens convertis, eux, sont ballottés entre les missionnaires qui passent, se réclamant de tel ou tel apôtre, et des convictions, des pratiques qui se développent en vase clos au sein de chaque communauté.
Il devenait donc urgent de clarifier ce en quoi ils croyaient, de clarifier le statut, la mission passée, le rôle à venir de celui en qui ils fondent leur foi et leur espérance, Jésus le Christ, et la relation qu’ils peuvent établir avec Lui
C’est ainsi que vingt ans après la résurrection de Jésus, sans aucun autre texte repère, Paul élabore sous sa forme écrite, une confession de foi qui doit être la plus claire possible pour être reprise par les disciples et proclamée comme « la bonne nouvelle » :
1. Ayez les uns envers les autres les mêmes sentiments que ceux de Jésus à votre égard
2. Jésus fils de Dieu, est de nature pleinement divine, il est l’égal du Père,
3. Mais il ne s’est pas prévalu de ce rang divin
4. IL s’est vidé de sa nature divine pour se faire totalement homme au milieu des hommes,
5. IL a été reconnu comme tel par tous les hommes qui l’ont rencontré,
6. IL est allé au bout de sa condition humaine, en acceptant les pires conséquences : la mort, donnée par ces hommes mêmes au milieu desquels il est venu, la pire des morts, celle réservée aux esclaves, la mort sur la croix.
7. Mais Dieu l’a relevé (d’entre les morts), par la résurrection, et lui a redonné sa puissance divine en l’établissant « maître des nations »
8. Ainsi, tout genou qui se fléchira, toute langue qui proclamera Jésus-Christ comme son Seigneur pourront accéder eux aussi à la dimension divine, devenant « citoyens des cieux » (3, v.17).
La première strophe de cet hymne à la gloire du Christ parle d’abaissement : Jésus Christ a quitté sa forme divine, il s’en est vidé. C’est l’incarnation : il devient semblable aux hommes, il prend la forme humaine, il s’abaisse jusqu’à mourir sur la croix.
La deuxième strophe parle d’élévation : Dieu lui donne le nom de Seigneur, qui, dans l’Ancien Testament, est le mot utilisé pour exprimer le nom imprononçable de Dieu lui-même : YWHW.
Mais l’hommage des chrétiens à Jésus leur Sauveur ne s’arrête pas à lui, mais par Jésus nous rejoignons Dieu le Père auquel nous rendons gloire, c’est la conclusion de l’hymne.
La double nature de Christ
Deux mille ans après, nous ne disons pas autre chose avec le Symbole des Apôtres, rédigé 3 siècles plus tard.
Mais il y a une seconde force dans le message de Paul : la clarté de sa compréhension de la « double nature » de Christ :
Vous savez, cette double nature « totalement Dieu, totalement homme », chacun mettant un peu ce qu’il veut bien comprendre dans cette expression.
Alors, il ne faut pas se tromper. Parler de la double nature de Christ, ne signifie pas qu’il est à la fois divin et humain. C’est l’un, puis l’autre. L’un ou l’autre.
Alors que pratiquement tous les humains dépensent toute leur énergie depuis Adam, à essayer de s’élever, de s’enfler, Jésus a suivi une trajectoire inverse, se vidant de sa nature divine pour endosser la condition humaine, et parmi les hommes, la plus humble, la plus modeste, celle de serviteur.
Et si cette trajectoire est devenue une trajectoire salvatrice, c’est que c’est un aller sans retour, ou plutôt, que le seul retour possible pour Jésus était le passage par la croix, selon le dessein de Dieu son père.
Et cette histoire de double nature est en fait celle de la totale confiance d’un fils dans son père, de sorte que lorsque je dis « J’ai foi en Christ », en réalité « j’ai foi dans la foi de Christ », cette confiance totale de Jésus dans l’amour de Dieu le Père, grâce auquel, après la mort infâme, il y aura le retour en gloire par la résurrection.
C’est ce qui permettra à Paul de dire ailleurs que c’est dans cette folie de la croix, dans cette absurdité aux yeux des humains que se manifeste la puissance de Dieu.
C’est par la reconnaissance de cet itinéraire et pas ailleurs que l’Humanité trouvera son salut.
Le principe d’humilité
Le Salut par l’amour : « aimez vous les uns les autres comme je vous ai aimés », et par l’humilité, qui ne consiste pas à dire « je ne suis pas bon », « je ne fais rien de bien », çà ce n’est pas de l’humilité, mais de la dépréciation de soi, non, l’humilité qui me fait regarder l’Autre comme au-dessus de moi, regarder le plus modeste d’entre nous, comme une personne méritant d’être considérée pour elle-même, c’est le sens de Matth. 21/32.
Imiter Jésus, imiter Paul
Cet hymne aux Philippiens nous éclaire sur des expressions que l’on retrouve dans les épîtres de Paul : « imitez le Christ », ou « imitez-moi » :
- Imitez le Christ : Comment imiter le Christ, le seul homme « sans péché », dans une quête inaccessible qui ne nous conduirait qu’à nous culpabiliser de nouveau, comme les juifs le sont face à la Loi, Jésus devenant en quelque sorte une nouvelle loi,
- Imiter Paul (3, v.4-11) : Son ego serait-il surdimensionné au point de se présenter comme le modèle à imiter pour suivre Christ ?
L’hymne aux Philippiens nous donne la bonne clé de lecture :
- De même que Jésus s’est vidé de sa nature divine pour endosser forme et surtout condition humaine, s’abaisser jusqu’au plus bas de cette condition, pour ensuite, par la volonté de Dieu, être relevé par la résurrection, et retrouver sa nature divine,
- De même que Paul, immergé dans sa « judaïté », exemple d’observance de toutes les traditions, intellectuel brillant, élève de Gamaliel, s’est vidé de tout ce qui faisait son « vieil homme », pour, après avoir été abaissé par Dieu, renaître, devenir un homme nouveau, libéré, disponible pour le service de Christ,
- De même, nous sommes appelés à cette imitation : nous vider de notre ego, de tout ce qui nous a façonnés jusqu’à aujourd’hui, chercher à redevenir ce que nous sommes réellement, démarche sans laquelle nous ne pouvons nous approcher de la croix et nous laisser habiter par Jésus-Christ.
Jésus me dit : fais le vide en toi, deviens qui tu es. Deviens qui tu es réellement. Applique-toi à toi-même ce principe d’humilité et alors tu pourras renaître, « d’un cœur nouveau et d’un esprit nouveau » (Ez 18/31).
Alors seulement, dans cette quête de vérité absolue, nous serons « justifiés », non par nos propres mérites, mais par le don de Dieu. Ainsi réconciliés avec notre Créateur grâce à l’intercession de Jésus Christ, nous avons accès à la dimension divine. C’est ainsi que nous devons comprendre la promesse de Jésus : « Celui qui croît en moi, il a la vie éternelle » et être « sûrs de notre salut » (C’est la découverte de Luther).
Paul ne dit pas autre chose au geôlier de Philippes en Actes 16.
Voilà la théologie, la Christologie qui découle des affirmations de Paul dans sa lettre aux Philippiens.
Alors Paul peut renouveler ses recommandations, répétées plusieurs fois dans le texte : Soyez dans de bonnes dispositions, en Jésus Christ, tenez ferme, combattez pour la bonne nouvelle et surtout, réjouissez-vous !!! (C’est l’épître de la joie).
La vraie bonne nouvelle de Jésus-Christ :
Encore plus que sa naissance miraculeuse de Noël, elle est dans sa mort et sa résurrection pour le salut des hommes. C’est là que se révèle pleinement la divinité de Jésus. C’est ce message d’amour et d’humilité que Paul a voulu faire passer aux Philippiens en leur proposant cet hymne, donnant ainsi une espérance à l’humanité toute entière, aujourd’hui encore.
Amen !
François PUJOL