Prédications Protestantes dans les Alpes du sud 

Dimanche 10 décembre 1922

Culte à Montélimar

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Ne t'étonne pas que je t'aie dit : Il faut que vous naissiez à nouveau. (Jean 3, 7)

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M. fr, C'est Jésus-Christ qui parlait de la sorte à son interlocuteur. Il avait, pour le faire, une autorité incontestable. Son insistance, sa précision indiquent d'autre part quelle importance capitale il accordait à ce sujet. C'est pour être fidèle à sa pensée, c'est pour remplir aussi exactement que possible le ministère dont je suis chargé que de nouveau aujourd'hui je porte le même sujet devant vous. Ce que j'en dis n'est pas pour m'excuser d'une pareille insistance.

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C'est plutôt une confession que je me sens obligé de vous faire : Dans une réunion pastorale tenue à Crest, il y a quelques jours, une vision plus exacte et plus haute de la tâche à remplir auprès des âmes de leurs frères fut donnée à ceux qui étaient venus. Chacun, dans l'humiliation dut reconnaître les faiblesses de son œuvre dues aux faiblesses de sa foi. Et cette humiliation fut la source d'une inspiration plus profonde, d'une action plus audacieuse, d'une sérénité et d'une joie plus certaines. Je me suis humilié de n'avoir pas assez bien vu, de n'avoir pas uniquement vu la seule chose qu'il importait de voir : votre Salut ; J'ai eu l'ambition d'une Église qui marche, qui marche bien ; j'ai voulu construire avec vous un édifice de belle apparence ; j'ai mis mon orgueil - l'orgueil, voilà la faute - à pouvoir dire : l'Église de Montélimar est une belle Église, et je ne m'apercevais pas que c'était cela-même qui maintenait l'Église de Montélimar à n'être qu'une pauvre Église. Je faisais ce que d'aucuns appellent "Mon métier".

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Et maintenant je ne vois plus l'Église, une assemblée pieusement attentive, un établissement parfaitement organisé des Protestants tous docilement rattachés à association cultuelle, je vois des âmes, vos âmes, qui, en dépit de l'exhortation de discours, de chants, ne connaissent pas le Sauveur.

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Je souffrais de savoir tant de Protestants infidèles, et tant de fidèles si peu zélés ; je souffre maintenant de savoir des âmes séparées du Père qui les aime, et j'ambitionne, je brûle, non pas de les ramener à l'Église, mais de les conduire à Dieu.

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Ne voyez donc plus en moi, je ne dois plus être à vos yeux le fonctionnaire chargé d'accomplir dignement les actes du culte, ou de représenter honorablement la religion ; je veux être désormais uniquement le messager de la bonne nouvelle, audacieux, hardi contre le mal, aimant pour les pécheurs. Et c'est ce qui vous oblige à vous répéter aujourd'hui :

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Il faut que vous naissiez de nouveau ; car vous conviendrez, je pense, avec moi : Qu'à pasteur nouveau, il faut Église nouvelle.

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Qu'est-ce donc, en effet, qui vous retiendrait dans l'orientation nouvelle que je vous indique ?

Tous les motifs d'hésitation ou d'opposition peuvent se grouper sous deux chefs : Votre âge et votre faiblesse. Vous allez voir qu'ils n'ont guère de consistance.

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Votre âge : "Nous avons du temps devant nous" Tel est l'ordinaire raisonnement de ceux qui résistent. Il n'est pas tenu seulement par les jeunes, car tous s'imaginent aisément avoir devant eux un nombre d'années suffisant. Mais les jeunes s'y accrochent avec plus de vraisemblance. "Il faut bien que jeunesse se passe" C'est le proverbe qui tend à légitimer certains écarts de morale. Dans un sens moins grossier, le même proverbe sert à excuser les délais apportés au retour vers Dieu ; car on entend que la jeunesse doit passer hors de la piété. La jeunesse c'est la fraîcheur, c'est le printemps de la vie ; la jeunesse ce sont les fleurs, ce sont les roses ravissantes et gaies ; ce sont les chants, les rires ; la jeunesse c'est l'insouciance, l'inconstance, la frivolité. À d'autres plus tard les graves pensées, les propos sérieux. Pourquoi se couvrir de ridicule ? Ce qui convient à un âge plus avancé ne nous convient pas encore. Le temps viendra où notre soleil s'obscurcira, où notre ciel s'assombrira ; laissez-nous pour l'instant, goûter à tout ; quand les soucis viendront, la piété alors bien à propos apportant avec elle le calme, se révélera dans tout son charme.

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Frères et sœurs, jeunes ou non, qui remettez à plus tard, où donc avez-vous trouvé un sûr garant contre la mort ? Cette hideuse faucheuse vous-a-telle fait savoir que vous n'êtes pas encore choisis parmi les épis qu'elle coupe ? Elle pourrait vous surprendre au moment où vous y pensez le moins. Dans le cercle de vos amis n'y en a-t-il pas dont le soleil s'est couché dès le matin ; qui pareils à des fleurs à peine écloses ont été cueillis par une main fatale avant même de s'épanouir au grand midi ? Êtes-vous certains d'atteindre le terme que vous vous êtes fixés

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à vous-mêmes pour donner à Dieu le résidu de vos terrestres amours ? Êtes-vous bien sûrs enfin de n'être pas mûrs pour la mort, sans être prêts pour le ciel ?

Allez, courez, jouez, criez : "Mon âme, tu as des biens en grand nombre : des années de la joie, de l'amour, de l'énergie ; mange, bois, réjouis-toi."

Insensé, cette nuit-même ton âme te sera peut-être redemandée.

Et si la mort vous épargne, est-ce une raison pour attendre ? Croyez-vous donc que Dieu n'est pas Dieu tous les jours de la vie ?

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Dieu se résoudrait-il à n'être que le Dieu des vieux qui n'en peuvent plus ? Quelle indignité, quelle honte, quel déshonneur pour un Dieu de l'estimer assez petit pour accepter le rebut de la vie d'un homme. Oserez-vous lui présenter ce que le monde aurait rejeté ? Vous l'outragez, vous dis-je par vos hommages tardifs et forcés.

Ou bien estimez-vous que les années consacrées à Dieu sont des années perdues ? Avez-vous si peu réfléchi que vous croyez la vie chrétienne une vie rabougrie, étouffée ? Ah ! Si tous les jeunes, si tous les hommes dès leur première jeunesse se donnaient à Dieu, on ne verrait plus ces ratés de la vie (qui par ailleurs semblent avoir réussi), on ne les verrait plus promener leurs ombres falotes, inquiètes de vivre ; leurs rires n'éclateraient plus discordants et faux ; ils sonneraient clairs et joyeux ; leurs chansons égrillardes seraient remplacées par de vrais chants d'amour et de joie. Ils seraient purs, ils seraient forts ; la vie dans sa plénitude et sa beauté serait à eux. Demandez-le à ces vieillards perpétuellement jeunes dont la jeunesse n'a pas connu d'éclipse parce que dès le premier âge elle fut alimentée à la source pure éternellement féconde.

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Jeunes gens, jeunes filles, hommes, femmes, de quelque âge que vous soyez, pour jouir de la vie, croyez-moi, répondez tout de suite à l'appel du Christ. Il faut que vous naissiez à nouveau. Votre âge ne s'y oppose pas. Au contraire, c'est lui qui vous pousse, qui vous jette dans les bras du Sauveur.

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Votre faiblesse : Plus vous attendrez, plus vous serez disposés à invoquer l'autre excuse : votre faiblesse. Ceux qui on déjà parcouru un certain chemin, sont engagés dans une voie qu'ils voudraient abandonner, mais ils y sont retenus comme malgré eux.

Ils n'ont pas la force de vaincre les passions dominantes. Ils attendent donc que ces passions s'éteignent d'elles-mêmes ; ils pourront alors revenir à Dieu

Frères qui pensez ainsi, vous connaissez la force des liens qui vous retiennent actuellement ? Vous ne pouvez les briser aujourd'hui ? Pourquoi pourriez-vous le faire plus tard ? Vous comptez sur le secours de Dieu à ce moment-là ? Qui vous empêche d'y compter dès maintenant ? S'il doit vous secourir plus tard, il peut le faire aujourd'hui !

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Il le fera plus volontiers aujourd'hui, en raison de la Confiance que vous lui aurez ainsi témoignée, en raison aussi d'une longue suite de péchés que vous aurez évités.

Mais à parler vrai, c'est sur le temps que vous comptez pour être transformés, sans effort, sans lutte. Quelle erreur est la vôtre !

Certes, je crois que les années abattront la violence de quelques passions, mais en exagéreront d'autres. En tous cas, les dehors seuls seront changés ; l'intérieur, le fonds restera le même. On retrouvera en vous les mêmes penchants, le même esprit. Ce sera le même cœur dans un corps amoindri.

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Vous n'aurez pas connu la repentance. Bien plus, vous vous serez endurci. Quand on passe sur une terre nouvellement remuée, le pied enfonce ; marchez-y encore, repassez de nouveau, la terre se tasse, le sol durcit. À force d'y passer, il devient si dur que le pic et la pioche ont peine à y mordre. Ainsi en est-il du cœur humain. Il s'endurcit, il devient insensible aux appels divins. Songez-y, m.fr. On ne se moque pas de Dieu. Chaque appel entendu et rejeté nous pousse vers la condamnation. Aujourd'hui vous refusez de vous livrer à Dieu parce que vous êtes trop faible et votre péché trop fort, demain vous serez plus faible et le mal plus fort ; bientôt vous serez impuissant et le mal tout puissant, vous en viendrez à ne plus convenir que le mal est mal, vous serez submergé par le mal.

Prenez-y garde, votre faiblesse actuelle ne doit pas être le prétexte d'un plus long délai. Au contraire. Allez immédiatement vers le Christ, criez-lui votre détresse, afin qu'il vous remplisse de sa force ; car ce qui est impossible aux hommes est possible à Dieu.

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Pour vous déterminer, je pourrais encore vous prier de dépouiller, pour un instant, le monde des séductions, des mirages, des bruits, des mensonges par lesquels il vous retient, et vous faire regarder le spectacle des abominations qui sont au milieu de nous : les injustices, les vols, les adultères, les intrigues, les ambitions, le scandale de mœurs couramment admises ; vous conduire jusqu'au seuil de l'immense détresse où se trouvent confondues toutes nos douleurs, réunies toutes nos angoisses, vous faire entendre l'horrible sanglot qui de la terre monte aux cieux, vers les cieux qui semblent fermés ; vous rappeler les haines, les guerres, les révolutions qui en préparent d'autres ; et me servir de la voix des prophètes de l'ancienne alliance pour crier à tous : "Repentez-vous et convertissez-vous." Je pourrais, reprenant des images terrifiantes, essayer de décrire la fin de l'âme inconvertie et de dire par quelles tortures passera le cœur rebelle qui, refusant de perdre sa vie charnelle pour naître de nouveau, subira la condamnation éternelle...

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Je préfère vous rappeler simplement le nom de celui même qui adresse à tous l’appel qui retentit aujourd'hui à vos oreilles : Jésus.

Comment, à l'approche de ces jours qui nous rappellent sa venue parmi nous, comment ne pas être émus, émus jusqu'au fond de nous-mêmes ?

Comment ne pas nous souvenir de ce qui provoqua sa venue : notre misère et notre faute ? ... et son amour

Comment oublier qu'il est venu pour nous sauver, exprès pour nous sauver, non pas pour enrichir l'humanité d'une science nouvelle, ni d'un art plus beau, mais seulement pour nous sauver.

"Tu lui donneras le nom de Jésus, dit l'ange annonçant sa naissance, car il sauvera le peuple de ses péchés."

Et c'est lui qui a dit :"Il faut que vous naissiez de nouveau"

Son nom est synonyme d'amour.

Son autorité est l’autorité qui vient de l'amour

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S'en trouvera-t-il un parmi vous, fr et s. pour mettre en doute son amour et dénier toute autorité à son amour ?

Non, certainement non. Tous s'accordent pour convenir qu'il a le droit de dire "Il faut que vous naissiez de nouveau."

Et pour obéir tout de suite à son injonction.

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Amen !