Prédications Protestantes dans les Alpes du sud
Dimanche 10 Mai 2009
Culte à Gap (05000)

Textes bibliques:
Exode 17,3-7
Jean 4,5-42
Romains 5, 1-11
La grâce gratuite
Qu'il est difficile de croire à ça ! Incroyablement difficile … Parce que, dans notre monde, le scepticisme est roi.
Vous le savez bien, il est normal dans notre société de ne pas croire, de ne croire à rien, sauf souvent à n'importe quoi !
Notre époque est ainsi faite : après l'époque où il fallait croire, il y a eu l'époque où il fallait douter, puis celle où il fallait rejeter ; mais aujourd'hui, on fait tout en même temps ! On croit la première erreur qui passe à portée, pour peu qu'elle soit assénée avec assez de puissance, de charisme. On rejette tout ce qui a été démontré, et même tout ce qui est démontrable. Tous les discours sont relativisés, sauf celui auquel j'adhère, et encore : seulement pendant les quelques heures où j'y adhère !
Ainsi va le monde ; et on a bien souvent l’impression qu’"on n’y peut rien"…
…Justifiés par la foi…Quelle drôle d’expression !!
Que l’on soit des gens sceptiques ou des gens crédules ou même les deux à la fois, il y a une chose à laquelle souvent on résiste farouchement sans même s’en rendre compte, une affirmation que l’on proclame sans doute bien haut, mais dont on ne tire que peu de conséquences, pour ne pas dire plus…
C'est elle pourtant qui est au centre du texte biblique de Paul aux Romains : la grâce !
La grâce.
Vous allez me dire que, oui, comme "résurrection", "Trinité" et le reste, c'est un gros mot ! La réponse est non !
Là, l'idée est très simple, très claire, très directement énoncée : "C'est gratuit" !
La grâce = gratuit… La relation entre Dieu et nous, chacun de nous, la relation existentielle, concrète, que Dieu entretient avec toi ou moi, est entièrement basée sur la gratuité.
Paul et tout le Nouveau Testament passent leur temps à nous le faire lire et entendre depuis plus de 19 siècles, Luther et toute la théologie protestante à sa suite le proclament depuis presque 500 ans. Mais nous y résistons…
C'est vrai que c'est tellement le contraire de la nature humaine ! Comment imaginer une relation gratuite, dans un monde où tout se paie ? Comment concevoir un cadeau qui en soit vraiment un, offert sans aucune arrière-pensée et seulement dans l'intérêt de celui qui le reçoit ? En plus, un cadeau fait par le plus grand à un plus petit ? Un cadeau et non un salaire, une chose qu’aucun ne mérite, aucun travail n'aurait pu acquérir, qu'aucune revendication, aucune grève, aucune prise d'otages n'aurait pu obtenir ? Ce n'est même pas un dessous de table, un abus de bien social, un dédommagement pour un petit service entre amis, ni rien de ce genre !
C'est totalement gratuit. Et ça nous est donc totalement étrange… Mais rassurez-vous – ou inquiétez-vous ! – c'était la même chose pour nos lointains ancêtres dans la foi, et même pour les moins lointains…
Si Paul explique aussi longuement – et il ne peut le faire qu'en répétant : "C'est gratuit" –, s'il a fallu au XVI° siècle une rupture dans l'Eglise, si le protestantisme lui-même a très vite dérivé vers le puritanisme, et si finalement nous, en église, on a du mal à le comprendre et à le vivre, c'est donc qu'il ne doit pas être si facile que ça d'y croire.
Pourtant, quelle liberté pour celui qui y croit !
Se savoir aimé, adopté, indépendamment de ce qu'on est capable ou incapable de fournir en retour ; savoir que c'est définitif et qu'en aucune manière on ne risque quoi que ce soit de vital sur ce plan ; réaliser qu'il y a un repère stable dans le monde, et que ce repère me concerne et m'oriente même quand je marche les yeux fermés… Oui, "même dans nos détresses » dit la TOB …
La liberté totale de l'enfant qui sait que son père est là à côté, et qu'il ne risque rien, pouvant dormir ou tenter les choses les plus audacieuses …Vivre en étant en paix, sans crainte permanente…
Mais cette image elle-même ne nous est plus coutumière, hélas. Nous ne nous confions plus nous-mêmes, nous ne confions plus les nôtres, à des gens qui nous aiment, mais à des institutions qui nous doivent ! De la nourrice à la maison de retraite en passant par l'assistance sociale, toutes nos relations sont sur ce mode étrange où l'on ne sait plus qui doit à qui, mais où la gratuité de façade recouvre un système où tout le monde, en fait, est débiteur. Débiteur, donc prisonnier…
Est-ce pour cela que nous prenons parfois Dieu pour la Sécurité Sociale, réclamant de lui je ne sais quel remboursement de prestations effectuées par un tiers ? L'important, dans la consultation d'un médecin, n'est finalement pas le diagnostic ni le traitement, mais que ce soit remboursé par la Sécu !…
Or, Dieu n'est pas la Sécu, mais le médecin, et il ne facture à personne ses prestations : il n'est donc pas remboursable, donc ce n'est pas un vrai…
En proclamant un "j'y ai droit", on se condamne à ne pas entendre le "je t'aime" qui nous est pourtant adressé.
Quelle image faudra-t-il prendre alors, pour que la prédication du sola gratia ( la grâce seule) résonne de nouveau dans nos vies ? Restant dans les images proposées par le Nouveau Testament, dont Paul : la seule image qui dise vraiment cette gratuité n'est justement pas une image ; c'est la réalité, la réalité d'une venue sur terre, celle de quelqu'un qui ne me connaissait même pas, qui me savait pécheur (ce qui n'était pas difficile à prédire), et qui, comme ça, gratuitement, par amour, a donné jusqu’à sa vie pour moi, afin que meure mon péché et que, moi, je vive.
Paul est réaliste dans son explication : cette mort humaine est proprement surhumaine, car personne ne donne sa vie de cette manière, sans grande cause, sans intérêt ne serait-ce que de gloire posthume.
Ce cadeau est à la dimension de celui qui me l'a fait, et non pas à la mienne, et c'est peut-être encore une raison de ne pas l'apercevoir !
Si j'ai le nez sur le versant d'une montagne trop haute, comment savoir que c'est une montagne ? Comment la reconnaître ? Si la vallée dans laquelle je marche est trop large pour ma vue, et que j'en ignore les limites, assurément je la prendrai pour une plaine !…
Changeons d'échelle
Changeons donc d'échelle, regardons du regard de Dieu, comme la Bible nous le propose et nous le permet à chaque page. Ne regardons pas ce qui nous oppose à Dieu, ne regardons pas ce qui se met en travers de notre route et qui nous fait mal, car tout cela existe, mais Dieu est plus grand, son regard plus haut!
Agissons comme des hommes et des femmes graciés, aimés. Ne vivons pas comme des gens endettés, que ce soit à l'égard de Dieu ou des autres ou de nos projets ou de nos idées… Dieu a payé la dette, si dette il y a. Il a payé de lui-même, sans le devoir à personne, gratuitement.
Vivons donc comme des gens libres, libres de toute dette, libres de toute révolte, libres de toute aliénation, libres de toute vengeance. Quoi que nous ayons dans la tête ou dans le cœur, cela n'a plus rien à nous imposer. Simplement parce que "Christ est mort pour nous".
C'est la grâce. Croyons-la. Vivons-la.
C'est la grâce. Croyons-la. Vivons-la. "Sans argent, sans rien payer", prophétisait autrefois Esaïe (55/1), bien avant que Christ n'accomplisse cette Écriture !
Votre vie n'a plus à rentabiliser quoi que ce soit. Elle est, elle peut devenir gratuite, elle aussi.
Rien n'empêche : ce n'est question ni d'âge, ni de santé, ni de fortune, ni de considération. Rien n'empêche : les portes de nos prisons ont été ouvertes et ne se refermeront jamais.
Rien n'empêche : c'est gratuit, c'est offert, c'est pour vous, en Jésus-Christ.
Amen !!
Nathalie Paquereau.