Prédications Protestantes dans les Alpes du sud 

DIMANCHE 19 mai 2013

Culte de Pentecôte à GAP (05000)

Lectures du Jour :

Actes 2, 1-11 (Voir méditations du 31-mai-09, 31-mai-10, et 24-mai-15)

Jean 14, 15-26 (Voir méditations du 21-mai-17 et du 5-mai-13)

Romains 8, 8-17 (voir également méditation du 27-mai-18)

"Baptisés d'Esprit-Saint et de feu"

Le récit de la première Pentecôte chrétienne est d'abord celui d'une vision : aux apôtres réunis apparaissent des langues comme de feu. Comme pour la colombe au baptême de Jésus, c'est évidemment une vision symbolique: l'Esprit n'est pas plus fait de gaz enflammé que de plumes d'oiseau ! mais l'image doit être signifiante pour nous dire quelque chose de la nature et de l'action de l'Esprit. C'est une image souvent reprise dans la piété: sur 15 cantiques de Pentecôte dans notre recueil, je l'ai trouvée dans 8 d'entre eux, et pas seulement dans le classique "baptise-nous de feu, Esprit-Saint, Esprit de Dieu...". Pourtant, à ma connaissance, elle reste un peu marginale. Je n'ai pas souvenir de l'avoir entendu exploiter (autant que le symbole de l'eau pour le baptême) dans toute sa force suggestive, qui veut exprimer la réalité du don de l'Esprit. Je vais donc le tenter avec vous ce matin.

Vieille comme le monde, ou du moins comme l'humanité, la symbolique du feu est universelle, comme celle de la lumière, de l'eau, du pain. On la trouve largement présente dans la Bible, et comme l'eau, c'est un symbole riche de sens divers, voire opposés en apparence. Le feu est une réalité mystérieuse et fascinante. C'est une force redoutable de destruction : très souvent les prophètes d'Israël se servent de cette image pour annoncer le jugement des impies, dont la figure emblématique est celle de la pluie de soufre et de feu anéantissant Sodome et Gomorrhe, au temps d'Abraham. Dans la vision de Daniel, c'est à la fin de l'histoire, à l'avènement du mystérieux Fils d'homme, que la Bête terrifiante, symbole de toutes les puissances d'oppression et de mensonge, sera livrée à l'embrasement du feu, (thème que reprendra l'Apocalypse de Jean.)

Ailleurs, le feu est aussi évoqué comme l'agent qui sert à purifier les métaux précieux. Ce sens est voisin du premier, puisque le feu détruit les scories et les impuretés. C'est un feu purificateur, pris parmi les braises de l'autel, qui purifie symboliquement les lèvres d'Ésaïe pour qu'il puisse être le porte-parole de Dieu. Chez Malachie, l'ultime messager chargé d'aplanir le chemin avant la venue du Seigneur lui-même est ainsi annoncé : "Il est comme le feu d'un fondeur. Il siègera pour fondre et purifier l'argent. Il purifiera les fils de Levi. Il les affinera comme on affine l'or et l'argent."

Lors de la révélation de Dieu à l'Horeb, un buisson en feu qui brûle sans se consumer attire l'attention de Moïse. Il devient pour lui le signe décisif de la présence du Dieu vivant, de son mystère, de sa puissance irrésistible, mais aussi de sa compassion pour son peuple esclave et persécuté dont il annonce la délivrance. Moïse s'en souvient lorsqu'il déclare en Deu

t 4,24: le Seigneur ton Dieu est un feu dévorant, un Dieu jaloux. Cette jalousie-là n'est pas un vilain défaut, mais c'est l'envers d’un ardent amour qui attend d'être payé de retour et ne supporte pas la trahison. Dans le Cantique des Cantiques (Chap.8, 6), l'amour humain lui-même, à l'image de celui de Dieu, peut être symbolisé par l'irrésistible force du feu, quand il devient passion: L'amour est fort comme la mort, la passion, violente comme le séjour des morts, ses fièvres sont des fièvres de feu, une flamme divine. Les poètes de tous les temps l’ont tellement exploitée, qu'elle en est devenue banale cette image si forte à l'origine. On n'ose plus trop, aujourd'hui, "déclarer sa flamme" à son bien-aimé comme la Sulamite au roi Salomon le Grand (et réciproquement).

Cette évocation rapide des diverses facettes de la symbolique du feu nous permet de mieux apprécier son usage, plus rare mais non moins significatif, dans le N.T. Lorsque Jean-Baptiste annonce Celui qui vient après lui en déclarant: Lui, il vous baptisera dans l'Esprit-Saint et le feu, le contexte de son message laisse penser qu'il envisageait un Messie-Juge et purificateur: Il va nettoyer son aire et recueillir le blé dans le grenier, mais la balle, il la brûlera au feu qui ne s'éteint pas.[1] Mais Luc entend sans doute l'image dans un sens plus positif. Il est le seul à rapporter cette parole de Jésus : Je suis venu jeter un feu sur la terre, et combien je voudrais qu'il fût déjà allumé[2]. L'interprétation en est discutée, mais j'aime celle qui met cette parole en rapport avec le don de l'Esprit, que Jésus attend comme l'aboutissement de sa mission terrestre : ce sera comme un embrasement du monde, Dieu répandra son amour dans les cœurs par l'Esprit-saint qui nous a été donné, comme le dira Paul[3].

Lorsque dans son récit de Pentecôte, Luc parle des langues "comme de feu" qui apparaissent aux apôtres, il y voit sûrement l'accomplissement de cet ardent espoir prophétique exprimé par Jésus.


Nous pouvons retenir les deux facettes de l'image pour recevoir le message de Pentecôte. L'Esprit-Saint vient purifier nos cœurs et nos pensées, lorsqu'il nous conforte dans l'assurance qu'au nom de Jésus nos péchés sont pardonnés, nos impuretés brûlées au feu de sa grâce. Mais plus que cela, l'Esprit est la mystérieuse présence en nous du Dieu qui est amour. Et c'est lui qui allume en nos cœurs un amour qui répond à celui de Dieu. Ce n'est pas un esprit de timidité que Dieu nous a donné, mais un esprit de force, d'amour et de maîtrise de soi, rappelle Paul à son disciple Timothée[4]. Feu qui purifie, feu qui symbolise la réalité d'un amour partagé, c'est bien ces deux facettes qu'ont retenues les auteurs de nos cantiques "Purifie, Esprit de feu, le peuple qu'a choisi son Dieu" (509) -"Allume en nous la pure flamme de ton ardente charité" (501) -"Viens, Esprit de feu, viens nous embraser" (503) - "Baptise-nous et nous bénis, par ta force et ton feu, et fais de nous un peuple uni qui flambe aux mains de Dieu" (506) -"Enflamme-nous de ton amour" (513) – etc...


Il reste encore, pour bien interpréter la vision initiale du récit de Pentecôte, à prendre en compte cet autre aspect: les apôtres ont vu des "langues comme de feu". C'est plein de sens, car aussitôt après, ces hommes vont par la force de l'Esprit se mettre à parler, à communiquer aux autres le message de Dieu. Je laisse de côté aujourd'hui le miracle particulier qui fait que selon Luc, les auditeurs ont entendu ce message dans leurs propres langues maternelles. Retenons seulement l'élément fondamental qui doit demeurer, au-delà de cette première effusion merveilleuse : le don de l'esprit a délié les langues de ces hommes, les a forcés à sortir de leur petite communauté apeurée, les a tournés vers les autres, qui dès ce récit apparaissent comme les représentants du vaste monde que Dieu veut réconcilier avec lui. Comme pour le prophète Jérémie, la Parole à transmettre au nom du Seigneur est devenue dans leur cœur -comme un feu brûlant qu'ils ne peuvent contenir[5] Mais ce n'est plus une parole de jugement, c'est l'annonce de l'amour qui sauve, c'est la bonne nouvelle destinée à tous les hommes ! Plus tard, Luc écrira d'Apollos que bouillant d'Esprit, il parlait de Jésus.[6]

Le feu de l'Esprit suscite le témoignage. Ainsi, déjà, le psalmiste a fait une expérience semblable : Mon cœur brûlait en dedans de moi, et la Parole est venue sur ma langue[7].

Mais attention! La langue et le feu, cette curieuse association est reprise dans un tout autre sens par l'épitre de Jacques: Voyez comme un petit feu peut embraser une grande forêt. Or la langue aussi est un feu, elle est le monde de l'injustice. Elle souille tout le corps et embrase tout le cours de l'existence, embrasée qu'elle est par la géhenne ![8]. Remarque dure mais lucide. La "mauvaise langue" fait le travail du diable, elle a un redoutable pouvoir de division, un pouvoir destructeur. Il -ne faut pas, gronde l'apôtre, que de la même bouche sortent la bénédiction et la malédiction ! Avertissement bien utile en contre-point du message de Pentecôte. Il faut que l'Esprit-Saint purifie nos cœurs, les débarrasse de leurs vieilles rancunes, de leurs jugements hâtifs et parfois calomnieux, ou simplement de leur indifférence. Si nous laissons l'amour de Dieu y prendre la place, alors, comme dit Jésus, de l'abondance du cœur notre bouche parlera[9], et ce seront des paroles amicales, chaleureuses, porteuses de paix et de réconfort.

Un dernier mot : le feu de l'Esprit en nous, il faut l'entretenir. Aux Thessaloniciens, Paul écrivait: N'éteignez pas l'Esprit[10], et à Timothée, littéralement: Je te rappelle d'avoir à rallumer (à ré-enflammer) le don de Dieu qui est en toi[11]. II ne faut pas que l'enthousiasme de ceux qui découvrent l'évangile ne soit qu'un feu de paille, ni que la routine des vieux croyants, parfois désabusés„ ne laisse subsister du feu de leur premier amour que des braises à peine rougeoyantes. N'éteignez pas l'Esprit : chez Paul ce rappel fait suite à une pressante exhortation à prier sans cesse et à rendre grâces en toute circonstance. En ce jour de Pentecôte, demandons au Seigneur que son Esprit souffle sur ces braises et fasse jaillir en nos cœurs la flamme d'un amour renouvelé.

Amen !

Pr Charles L’Eplattenier


[1] Luc 3, 17

[2] Luc 12, 49

[3] Romains 5, 5

[4] 2 Timothée 1, 7

[5] Jérémie 20, 9

[6] Actes 18, 25

[7] Psaume 39, 3

[8] Jacques 3, 6

[9] Luc 6, 45

[10] 1 Thessaloniciens 5:19

[11] 2 Timothée 1, 6