Prédications Protestantes dans les Alpes du sud
Dimanche 27 Mai 2018
Culte à Trescléoux-05700
Lectures du Jour :
Deutéronome 4, 32-37,
Matthieu 28, 16-20,
Romains 8, 9-17
Marcher selon l’Esprit !
Frères et sœurs,
Je vais essayer ce matin de vous proposer une nouvelle méditation sur cette lettre de Paul aux Romains, et en particulier sur le texte proposé ce matin, que la TOB intitule la libération par l’Esprit.
C’est une lettre qui impressionne, par sa longueur : 16 chapitres, la plus longue de toutes[1]. Par son épaisseur : elle fut longtemps considérée comme Le traité de doctrine chrétienne telle que la conçoit l’apôtre, une forme de traité théologique centré sur le Christ.
Mais c’est également une lettre adressé à l’Église de Rome, que Paul ne connaissait pas, qu’il n’avait pas fondée mais dont il connaissait la crise qu’elle traversait, avec des risques de scission entre les judéo-chrétiens, héritiers des synagogues, dont ils avaient été chassés, et les païens, mal reçus par les précédents, qui risquaient de faire sécession, au nom de Paul qu’ils considéraient comme leur apôtre[2].
Or, pour Paul, ancien élève de Gamaliel, chef du Sanhédrin, fonder une église chrétienne coupée de ses racines juives, cela n’a aucun sens.
Le ministère de Jésus lui-même n’a aucun sens s’il l’on ne voit pas en Lui l’accomplissement des prophéties qui attestent sa filiation divine.
De plus, ce n’était pas le moment pour Paul, de mettre en avant les païens, alors qu’il se préparait à retourner à Jérusalem, où il n’avait pas que des amis, pour apporter le produit de la collecte qu’il avait organisée dans tout le bassin méditerranéen pour soutenir cette Eglise-mère et l’assurer de la solidarité des communautés fondées en milieu païen.
En ouvrant cette lettre, on se rappela que c’est par elle que Luther redécouvrit le salut par grâce, le salut par la foi seule, à celui qui se repent et qui croit.
Et l’on se rappellera également que c’est par cette lettre que les traducteurs de la TOB commencèrent leur travail, comme un test et qu’ils se découvrirent « unis dans une même passion de comprendre le message de ‘l’apôtre », ce qu’ils reçurent « comme une bénédiction de pouvoir traduire et annoter, dans une profonde unité d’esprit un texte qui dans le passé fut à l’origine de tant de controverses ».
Les thèmes de Romains 8
Le chapitre 8 clôt une première partie de l’épitre, dont notre lecture est le début de la conclusion.
Paul y crée des couples de mots qu’il oppose :
Vie/mort, Servitude/libération, chair/esprit
Ou qu’il associe : Adoption/filiation.
La vie et la mort rappellent Deutéronome 30 : J’ai mis devant toi la vie et la mort, choisis la vie, afin que tu vives.
Ce couple vie/mort est lui-même en lien avec le couple suivant : La servitude conduit à la mort, notre libération nous ouvre à la vie[3].
La servitude, c’est le propre des esclaves. De quoi l’humanité est-elle donc esclave ?
Il faut remonter dans le temps :
Le peuple hébreu dans le désert[4], n’avait aucun code pour régler les relations sociales du quotidien, cette charge incombant à Moïse puis à des juges qu’il avait nommés.
Il voulait une Loi, promettant imprudemment : Nous ferons tout ce que l'Eternel a ordonné[5]. Moïse rapporta les paroles du peuple à l'Eternel qui lui donna les tables de la Loi.
Et cette Loi, qui devait être une Loi collectivement libératrice car organisant les relations sociales à l’intérieur du groupe, est devenue une loi individuellement écrasante, obsédante, chacun essayant en vain de la respecter, sans avoir compris que cela était impossible à la condition humaine et Dieu, qui avait été un Dieu libérateur, fut de plus en plus considéré comme un Dieu-Juge, qui punit celui qui ne respecte pas la Loi.
Alors certains s’auto-justifient, s’affichant comme parfaits devant la Loi, donc devant Dieu, d’autres s’enferment dans leur culpabilité, s’éloignant peu à peu d’un Dieu qui leur est de plus en plus étranger.
Mais les uns et les autres sont esclaves d’eux-mêmes, asservis à leur propre orgueil, ou à leur aveuglement, qui ne peut les conduire qu’à la mort, c’est à dire le néant, l’éloignement de Dieu pour l’éternité.
La libération par Jésus
Et c’est alors que Jésus apparaît, présenté par JB comme celui qui baptisera du Saint Esprit et de feu[6], proclamé par cette voix dans la nuée comme le fils bien-aimé en qui [Dieu] a mis toute son affection[7]
Et Jésus donne les clés qui permettent de comprendre la vocation de la Loi, à travers cette « règle d’or » :
- Celui qui s’abaissera sera élevé et celui qui s’élèvera sera abaissé,
- Tout ce que tu veux que les autres fassent pour toi, fais-le de même pour eux,
- Tu aimeras ton prochain comme toi-même.
Sous ces conditions la Loi devient elle aussi libératrice, pour peu que chacun reconnaisse, dans l’humilité, comme Paul[8] : Je ne fais pas le bien que je veux, et je fais le mal que je ne veux pas et il ajoute : Ce qui est bon, je le sais, n'habite pas en moi : j'ai la volonté, mais non le pouvoir de faire le bien.
Et que chacun accepte de suivre Jésus jusqu’au bout, c’est à dire jusqu’au pied de la croix et affirmer devant cette croix, comme Jean, il est vivant ! Alors nous pourrons participer à sa résurrection, le retrouvant dans l’éternité, c’est ainsi que l’on passe de l’esclavage à la liberté, de la mort à la vie.
Marcher selon l’Esprit
Puis Paul oppose la chair et l’esprit.
Evidemment, la chair, cela n’a rien à voir avec le péché de chair, pas plus qu’avec notre corps, qu’il faudrait briser, inhiber, pour ne laisser apparaître que l’esprit.
Nombreux sont donc ceux qui ont fait fausse route sur cette question, conduisant des générations entières dans des impasses.
La chair, c’est ce qui est du domaine de l’humain, avec sa finitude, la chair nous rappelle que nous sommes des denrées périssables, ce qu’Ésaïe développe de façon plus poétique : Toute chair est de l'herbe, tout son éclat est comme la fleur des champs. L'herbe se dessèche, la fleur se fane quand le souffle du Seigneur passe dessus, mais la parole de notre Dieu subsistera toujours.[9]
Paul n’oppose pas notre corps et notre esprit, mais la vie selon la chair, c’est-à-dire, selon les ressorts humains, où l’homme se considère comme le seul maitre de sa vie, ne se considérant en rien redevable de sa vie envers son créateur, ne se considérant en rien redevable envers ses frères en humanité. Il s’agit là bel et bien d’un enfermement qui conduit rapidement à la perte de sens d’une vie qui tourne en rond, et de l’autre côté, il y a la vraie vie sous le regard de Dieu.
Et cela nous renvoie à la Genèse où symboliquement, le tentateur, le diviseur, glisse à l’oreille d’Adam et Eve : mangez de ce fruit de l’arbre de la connaissance… et vous serez comme des Dieux !
Voilà en réalité ce qu’est le péché originel, qui n’a rien à voir avec de quelconques fautes morales : C’est d’avoir cru à ce mensonge et continuer, après chaque découverte technique ou scientifique, continuer de croire ce mensonge, s’auto-glorifier, se laisser emporter par ce tourbillon au centre duquel se trouvent affirmation de soi, soif de pouvoir, dans ce mythe prométhéen qui d’année en année nous éloigne de Dieu. Et l’on voit aujourd’hui ce que donne cette pseudo-libération et jusqu’où elle peut mener.
Voilà ce qui permet à Paul de dire : le salaire du péché, c'est la mort; mais le don gratuit de Dieu, c'est la vie éternelle en Jésus-Christ notre Seigneur[10], la seconde partie de sa phrase étant destinée à ceux qui placent leur confiance, pour diriger leur vie, non pas en eux-mêmes mais en Jésus Christ.
Mais pour marcher selon l’Esprit[11], il faut laisser Christ entrer en nous, laisser l’Esprit Saint habiter en nous, alors nous serons pleinement libérés et nous porterons les fruits de l’Esprit.
D’où la nécessité d’une prière, régulière, seul moyen de nous assurer une relation intime, filiale, avec notre Père, d’où cette expression au v.15 et l’association faite par Paul : filiation/adoption.
Conclusion
A la suite de Paul, nous pouvons dire que l’Esprit va dans le sens inverse du mouvement qu’avait produit en nous la séparation de Dieu lorsque nous étions dans la chair,
Il ranime déjà ici et maintenant nos « corps mortels » par notre participation à la Vie dans la résurrection (v.11).
C’est désormais lui qui oriente nos choix de vie et révèle notre identité (v.14). L’Esprit nous dit deviens qui tu es, libère toi de toutes tes peurs, enlève tes vieux habits, pour devenir celui que tu es vraiment : un homme une femme libre, libéré(e) par l’amour et la confiance.
L’Esprit Saint non seulement fait de nous les enfants de Dieu (v. 15), que nous pouvons appeler Père, mais nous fait agir comme tels.
Qu’avons-nous envie d’exprimer aujourd’hui à notre Père ? Laissons-le nous libérer et prenons le temps, sans tarder dans la journée, de lui exprimer notre reconnaissance.
Amen,
François PUJOL
[1] C’est pour cela qu’elle se trouve en 1° position la lettre à Philémon, la plus courte étant la dernière.
[2] Le théologien allemand Jürgen Becker intitula son ouvrage sur Paul l’apôtre des nations Editions du Cerf-1995
[3]Romains 6,23 : le salaire du péché, c'est la mort; mais le don gratuit de Dieu, c'est la vie éternelle en Jésus-Christ notre Seigneur.
[4] Environ 12 siècles avant J.C.
[5] Exode 19, 8
[6] Luc 3,16
[7] Marc 1,11
[8] Romains 7, 18-19
[9] Esaïe 40, v.6
[10] Romains 6, 23
[11]Voir Galates 5,16