Prédications Protestantes dans les Alpes du sud ​

Attendre dans la joie !

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Le mois dernier (1) , au cours d’une méditation sur la seconde lettre de Pierre, j’indiquais que l’attente (2) est une tension. Si nous ne ressentons plus cette tension, c’est que nous n’attendons plus.

Que dire alors de cette tension qui nous saisit chaque année quelques semaines avant Noël ?

Si cette période s’appelle « L’Avent », c’est bien qu’elle nous place dans une attente de ce qui va, qui doit « advenir ». Et dans ce cas précis, la tension qui l’accompagne est une espérance et cette espérance est porteuse de joie. Cette joie n'est pas une simple émotion, mais un élan qui nous met symboliquement en route vers Bethléem.

Alors, ne nous étonnons pas que sur les quatre textes qui nous sont proposés en ce matin du 3ème dimanche de l’Avent, dans notre liste de lectures œcuméniques, trois soient consacrés à la joie :

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* Esaïe 12 : le plus petit chapitre de cet immense livre (3) : 6 versets de ce qui est en réalité un psaume de louange, qui annonce déjà le bouleversement que constituera la venue de celui que nous attendons :

- Le Peuple est libéré, la colère du Seigneur contre lui s’est calmée et il le console, il est son sauveur,

- Le Peuple puisera, avec joie, de l’eau aux sources du salut, promesse que Jésus confirmera lors de la fête des tentes (4) .

- Pousse des cris de joie, le Dieu d’Israël est au milieu de toi (5) , annonce que Jean Baptiste reprendra lui aussi (6) .

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Évidemment, ceux qui ont lu ou plutôt écouté les oracles d’Ésaïe, les ont plaqués sur leur situation du moment, eux qui étaient dominés par les grands empires qui les environnaient, et en particulier en cette fin du 8ème siècle avant J.C. l’Assyrie qui quelques décennies plus tôt (en -722) a annexé purement et simplement la Samarie (7) .

Poursuivant leurs conquêtes, les assyriens de Sennachérib arrivent sous les murs de Jérusalem. Le livre des Rois raconte qu’au moment où Jérusalem se croyait perdue, le Seigneur eut pitié de son peuple dont le roi, Ézéchias, était fidèle et pieux (8) , et envoya une nuit ses anges qui tuèrent 185.000 assaillants (9) .

Ézéchias a sauvé son royaume mais deviendra vassal de Ninive à qui il devra payer un tribut annuel.

Néanmoins, Ésaïe qui avait annoncé le renoncement de Sennachérib, put exhorter le peuple à rendre grâce au Seigneur dans ce psaume, avec une expression particulièrement significative, que l’on retrouvera en de nombreuses circonstances le Seigneur est au milieu de toi.

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* Sophonie 3 : Pratiquement 1 siècle plus tard, le prophète Sophonie exhorte à son tour le peuple à crier de joie, chanter et danser en reconnaissance pour l’intervention du Seigneur.

Le peuple ? Non, pas tout à fait. Car auparavant le Seigneur aura fait passer son jugement sur tous ces peuples idolâtres (10) et sur Manassé, ce roi infidèle qui a érigé des idoles dans le temple du Seigneur, qui a offert son fils en sacrifice à de faux dieux. La Judée disparaitra en tant qu’état, le temple même sera détruit (en -587), mais par Babylone cette fois, apportant la démonstration que dans ce régime de la loi du plus fort, le plus fort finit toujours par trouver plus fort que lui, loi qui s’est vérifiée au cours de chaque siècle de notre histoire, mais dont aucun dirigeant n’a à ce jour tiré les enseignements.

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Mais le Seigneur ne tolère jamais que le peuple des fidèles disparaisse totalement. Il y a toujours un reste, les humbles, le petit troupeau des fidèles au Seigneur qui sera épargné et verra venir le jour de sa revanche. Pour lui, le jour du Seigneur est un jour de joie où il pourra chanter, danser, crier de joie. Mais c’est aussi lui qui remplira de joie le Seigneur (v.17), car Dieu nous aime. Ézéchiel (11) le proclame à plusieurs reprises : « je ne désire pas la mort du pécheur, dit le Seigneur, convertissez-vous (repentez-vous) et vous vivrez »(Ez.18,32), « je suis vivant ! dit le Seigneur, ce que je désire, ce n'est pas que le méchant meure, c'est qu'il change de conduite et qu'il vive. Revenez de votre mauvaise voie, revenez vers moi !» (Ez.33,11)

Ainsi le petit reste fidèle pourra entamer une vie nouvelle en compagnie du Seigneur.

Et Sophonie rappelle lui aussi à deux reprises : Le Seigneur ton Dieu est au milieu de toi (v. 15 et 17). Cette présence au milieu de nous, nous libère de la peur (peur des ennemis, peur du malheur, v.15) et du découragement. Et lorsque Jésus dit là où deux ou trois sont assemblés en mon nom, je suis au milieu d'eux, non seulement il confirme ces prophéties, mais il nous réconforte dans la grisaille ambiante, en nous affirmant que Dieu ne regarde pas au nombre, il ne se réjouit pas de la multitude mais d’un petit nombre fidèle, « pauvre de cœur » (12) et engagé à son service par des actions concrètes.

Ah ! Que nous serions heureux si notre temple était comble chaque dimanche, que notre fierté serait flattée, nous pourrions cultiver sans risque l’entre-soi, mais dans ces dispositions d’esprit, sommes-nous sûrs que Dieu serait toujours au milieu de nous ?

Demandons donc sans cesse par la communion de nos prières, l’humilité, la simplicité, la bienveillance, la « pauvreté de cœur » nécessaires pour ne pas sortir du chemin qu’Il nous a tracé, et n’oublions pas de lui exprimer par nos chants, notre reconnaissance pour son amour, sa fidélité, sa patience, qui sont tels que c’est Lui qui décide de rester au milieu de nous, malgré toutes nos infidélités.

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Mais la particularité de Sophonie est que dans ce jour de colère annoncé, c’est un bouleversement total qui va s’opérer, que nous avons déjà rencontré avec Amos il y a quelques semaines (13). Pour Sophonie ce jour de colère aux conséquences extrêmes, que l’on retrouve dans de nombreux Requiem (le Dies Irae), inaugurera un nouvel âge sans péché, dans une destruction créatrice, prémices de la Nouvelle Alliance en Jésus Christ, qu’il nous faut annoncer au monde entier (Ésaïe 12, 5).

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* Philippiens 4 : L’Église de Philippes (14) est la première église fondée par Paul en Europe. Il lui garde une affection particulière, que lui rendent les membres de cette communauté qui l’ont soutenu chaque fois qu’il était en prison, y compris matériellement.

Bien qu’étant en prison lorsqu’il l’écrit, sa lettre est paradoxalement surnommée « l’épitre de la joie », cette injonction à la joie apparaissant une dizaine de fois dans les 4 chapitres de l’épitre (deux fois dans le seul verset 4).

Mais pas une joie éphémère, signe d’une émotion fugace, non, joie dans le Seigneur, qui doit nous habiter en toutes circonstances, car cette joie, intérieure, est indépendante des évènements extérieurs, elle ne peut donc nous quitter, sauf à nous laisser noyer par les difficultés rencontrées, les drames traversés, que l’on ne peut néanmoins ignorer, et dans ce domaine, la barque de Paul était plutôt chargée.

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Et Paul développe les deux piliers de notre vie quotidienne :

* Une prière constante, en toute occasion, pour rester en éveil de la volonté de Dieu pour chacun de nous, non pas par des litanies ânonnées comme des récitations mais par une disposition mentale entretenant le dialogue avec Notre Seigneur.

* Un attitude extérieure fondée sur la bienveillance pour que tous les hommes nous reconnaissent comme serviteurs du Christ, car c’est cela notre mission, ici et maintenant.

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Conclusion

Frédéric Nietzsche, qui n’aimait pas beaucoup les chrétiens (15), dira d’eux (16) : Il faudrait qu’ils me chantent de meilleurs chants, pour que j’apprenne à croire en leur Sauveur : il faudrait que ses disciples aient un air un peu plus sauvé !

Alors, quel air avons-nous ? Serions-nous à ce point blasés que la perspective de ce nouveau Noël ne déclencherait en nous à peine plus qu’un petit frémissement ?

Pourtant, personne ne peut nous prendre notre joie car elle trouve sa source dans cette transcendance que nous appelons Dieu, qui vit au milieu de nous pour nous sauver.

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Mais cette joie, cette plénitude intérieure, cette sérénité doivent transparaître pour rayonner, éclairer les obscurités de nos contemporains.

N’aies pas peur, ne te décourage pas nous dit Sophonie, car l’amour de Dieu te donne une vie nouvelle (v.17). Voilà ce que nous devons à notre tour dire et proclamer.

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Et n’oublions pas : lorsque les mages, ces grands savants, au bout de leur long voyage, arrivèrent devant la porte de l’étable où Jésus est né, ils furent remplis d’une grande joie , avant même d’ouvrir la porte (17).

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Alors veillons sur cette flamme de joie qui nous a été donnée, nourrissons-la et ranimons-la chaque jour de ce temps de l’Avent afin que rien ne nous prive de la joie d’avoir Dieu au milieu de nous.

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Amen !

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François PUJOL

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1. Le 7 Novembre 2021, méditation sur 2 Pierre 3, 14-18

2.  Dans 2 Pierre 3, 13 : Nous attendons une nouvelle terre où la justice habitera ».

3.  Sur le détail de la composition de ce livre aux 66 chapitres, voir méditation du 10 Janvier 2016 sur Ésaïe 40, 1-11.

4.  La fête de Souccot : « Si quelqu'un a soif, qu'il vienne à moi, et qu'il boive. Celui qui croit en moi, des fleuves d'eau vive couleront de son sein, comme dit l’Écriture (Jean 7,38)

5.  Traduction exacte de l’hébreu « Emmanuel ».

6. Matthieu 3,2 : Repentez-vous, car le royaume des cieux s’est approché de vous. Jean Baptiste était lui-même annoncé par Ésaïe (40,3) : Une voix crie dans le désert: Préparez le chemin de l’Éternel, aplanissez dans les lieux arides une route pour notre Dieu.…

7. Le grand « Royaume du Nord » formé par 10 des 12 tribus du Peuple Hébreu après la scission entre les fils de Salomon, en 930 avant J.C.

8. Malgré quelques options diplomatiques hasardeuses.

9. Voir 2 Rois 19, 35-37. Hérodote, historien grec (-480, -425), précisera plus tard qu’ils auraient été victimes d’une épidémie.

10. La chute de Ninive, l’Assyrienne conquérante, en -612

11. Ézéchiel (-622, -571) est contemporain de Sophonie, il connaîtra la déportation à Babylone.

12. Voir la 1ère Béatitude en Matthieu 5.

13. Méditation du 10 Octobre 2021 sur Amos 6, 1-7

14. Aujourd’hui site archéologique près de Kavala en Grèce, face à l’ile de Thasos.

15. Frédéric Nietzsche (1844-1900) : On peut le comprendre, son père et son grand-père étaient pasteurs luthériens. Le film « le ruban blanc » de Michael Haneke (2009) évoque l’éducation luthérienne faite de carcans et de pédagogie autoritaire (sévices, punitions, brimades) dans l'Allemagne d’avant la Première Guerre mondiale, et la transmission du mal par cet absolutisme politique, idéologique ou religieux qui peut avoir débouché sur l’adhésion ultérieure de ces enfants au nazisme.

16. Dans ainsi parlait Zarathoustra (1883).

17. Matthieu 2, 1-15